REFACE Un roman n'a guere besoin de preface; et, quand il en a une, ce n'est pas d'ordinaire un pretre qui la signe. On sait pourquoi. Depuis soixante ans le roman est un des pins execrables dissolvants de la morale publique. Son m meme est devenu presque synyme de mauvais livre. Quiconque s'interesse aux bonnes moeurs est oblige de dencer ce seduisant corrupteur. On lui ferme l'entree des maisons honnetes, et les jeunes filles qui se commettent en sa compagnie risquent d'y perdre et la pudeur et le sens chretien. Il faut donc au roman, pour se faire agreer de tous et n'eveiller aucun soupcon, un passe-port serieux, qui etablisse ses titres a la confiance publique, et lui ouvre les portes, generalement closes a tout visiteur suspect. Voila pourquoi l'auteur du Vieux Muet s'est adresse a un pretre, et l'a prie de presenter son livre au public. Pareille precaution etait-elle necessaire, dans le cas present? Je ne le crois pas. Mr J. B. Caouette est suffisamment connu du public pour que ses livres, fussent-ils des romans, aient leur libre entree partout. Mais l'auteur a sans doute pense que l'exces de prudence ne saurait nuire en la matiere; et je n'ai pas cru devoir refuser le service que sa modestie reclamait. Ma tache, au reste, est bien simple. Je n'ai pas a faire l'eloge du livre, ni a dicter au lecteur le jugement qu'il devra porter. Une preface n'est pas une critique. Je veux seulement me porter garant de la moralite impeccable du Vieux Muet. On peut le mettre en toutes les mains sans aucun danger. La lecture de ce roman ne produira que de bonnes impressions sur l'esprit et le coeur. Il se degage de l'ensemble du recit une morale douce, pure et fortifiante.